
Après une inoubliable Clytemnestre dans Elektra en juin 2021, Violeta Urmana revient au Capitole en récital, chantant Schubert, Mahler et son cher Richard Strauss. Quelques souvenirs personnels de Christophe Ghristi, directeur artistique de l’Opéra national du Capitole.
Quelle incroyable carrière ! Et d’abord quelle incroyable artiste ! La première fois que j’ai entendu Violeta Urmana, c’était dans Nabucco à Bastille. Hugues Gall ouvrait son mandat avec ce titre emblématique et spectaculaire, et quelques stars évidemment ! Notre Jean-Philippe Lafont national tenait le rôle-titre, face à l’Abigaille de Julia Varady et le Zaccaria de Samuel Ramey. Une jeune mezzo-soprano, tout aussi somptueuse qu’elle était alors inconnue, se hissait immédiatement à leur niveau. C’était Violeta Urmana, lituanienne, récemment récompensée de quelques prix internationaux et notamment celui des Voix wagnériennes.
Pour autant, Violeta Urmana n’était pas une débutante. Après ses études à Vilnius, elle avait rejoint Munich, qui est resté son port d’attache. À la Hochschule, elle avait reçu l’enseignement de la grande Astrid Varnay, Brünnhilde et Elektra de légende. Très tôt, elle s’est illustrée dans les grands emplois italiens et allemands. Et sa première carrière s’est bâtie sur une Kundry et une Eboli fabuleuses, d’une plénitude sonore inoubliable. Et avant Bastille, elle avait en quelques mois déjà conquis le Staatsoper de Munich, le Festival de Bayreuth et la Scala de Milan. Là, elle avait débuté dans Fricka sous la direction de Ricardo Muti, l’une de ses plus fidèles collaborations. La carrière fut donc immédiate et glorieuse. À ces rôles s’ajoutèrent une incendiaire Santuzza, Laura dans La Gioconda, Brangäne dans Tristan. Rien ne semblait pourvoir faire dévier cette parfaite trajectoire. Sinon Urmana elle-même ! Au début des années 2000, elle décida de changer de répertoire et d’aborder les grands sopranos. On lui prédit de grands malheurs et elle fit mentir tout le monde ! Elle échangea Brangäne contre Isolde, qu’elle a chantée dans le monde entier. Et Amneris contre Aida ! Et en outre, côté italien, Maddalena, Tosca, Leonora, Gioconda, Lady Macbeth ! Que de beaux soirs nous avons partagés !
Récemment, la chère Violeta a décidé de revenir aux rôles de mezzo et d’élargir encore son vaste répertoire. Cher public du Capitole, c’est toi qui as eu la primeur de sa Clytemnestre dans Elektra en juin 2021. Et évidemment, tous ceux qui l’ont vue se souviennent de son entrée flamboyante, imaginée sur mesure par Michel Fau, cheveux rouges, grand manteau rouge signé Christian Lacroix ! Ah cet affrontement avec Ricarda Merbeth, deux fauves lâchés l’un contre l’autre ! C’était de l’opéra, n’est-ce-pas ? Depuis ces représentations, on ne sera pas surpris qu’elle ait déjà chanté le rôle à Berlin, Hambourg et Dresde ! Nous l’avions bien préparée ! Violeta Urmana revient au mois de décembre en récital, accompagnée au piano par le légendaire Helmut Deutsch. Nous nous en régalons d’avance. Car il ne faut pas oublier qu’Urmana, au moment même où elle chantait les plus grands rôles, cultivait aussi le concert. Que de Requiem de Verdi elle a pu chanter, toujours noble et sublime ! Avec Boulez, elle a chanté et enregistré Le Chant de la terre et les Rückert-Lieder. Mahler figure au programme du Capitole, de même que l’irremplaçable Strauss et toute une importante partie Schubert. Cher public, venez faire fête à la grande Violeta et apportez vos bouquets !
Christophe Ghristi pour le Vivace n°14
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Retrouvez Violeta Urmana pour un récital au Théâtre du Capitole le jeudi 1er décembre à 20h
Crédit photo
► Violeta Urmana dans Elektra de Strauss (Clytemnestre), mise en scène de Michel Fau, costumes de Christian Lacroix, production de l'Opéra national du Capitole, 2021. © Mirco Magliocca